LE TEMPS DES PORTE-PLUMES DE DANIEL DUVAL

Le Temps des porte-plumes - les figurants de notre région


LE TEMPS DES PORTE-PLUMES, DANIEL DUVAL DE LA FÊLURE À LA GRÂCE

Le Temps des porte-plumes
 

En réalisant le Temps des porte-plumes, Daniel Duval a réécrit le film de sa propre enfance. Ce retour à la source de sa vie traduit également un profond attachement au Bourbonnais.  

Daniel Duval de la fêlure à la grâce

Sa vie est un roman, il la raconte comme dans un film. Daniel Duval a une "gueule ", c'est sûr, ce qui explique largement pourquoi qu'il ait interprété nombre de truands et de méchants au cinéma. Mais pour en arriver là, son itinéraire aura été particulièrement tortueux.

Enfant de la DDASS, le jeune Duval est élevé à la Chapelle-aux-Chasses de 9 à 15 ans. Il fréquente l'école de Paray-le Frésil1 et décroche son certificat d'études à Chevagnes.

À son arrivée à Paris, il décroche quelques petits boulots, mais sa vie va basculer lors de sa rencontre avec le Père Dagonet. Ce dernier participe à la réalisation de l'émission Le Jour du Seigneur, et propose à Daniel Duval, un emploi de coursier pour une société de production. Le futur cinéaste a trouvé sa voie et ne tarde pas à décrocher deux prix internationaux avec son premier court-métrage ( La Noce à Clovis).

Il est alors engagé par René Puissesseau pour son magazine télé "Point-Contre-point" sur Antenne 2. Il y réalise le portrait d'un braconnier qu'il connaît depuis son enfance : "J'ai ensuite réalisé un très beau portrait de Briat, se souvient-il, ce braconnier de Paray-le-Frésil était le dernier homme libre.

Daniel Duval consent ne pas être un "bosseur fou". En 1974 il tourne pourtant Le Voyage d'Amélie !   avec pour acteurs des habitants de Paray-le-Frésil :  "Ce film c'est le meilleur souvenir de ma vie. j'étais libre, je cofinançais le tournage, mes personnages étaient bien dans leur histoire. Tout était en adéquation.

En 1976 il revient à Gannay-sur-Loire, pour filmer sur les bords de la Loire les plans de fin de L'Ombre des châteaux avec les pompiers de Beaulon.

Daniel Duval l'avoue discrètement, il aime ce Bourbonnais où il vient deux fois par an, sur la tombe de ses parents adoptifs. Il décrit comme personne les méandres de l'Acolin, où  il pêchait à la "volante" et exprime avec une infinie tendresse pourquoi il n'aurait pu tourner Le Temps des porte-plumes ailleurs que dans l'Allier. "Il me fallait l'odeur des foins, des moissons et des labours. En remontant à la source de ma vie, je me suis rendu compte que ce j'avais vécu n'était pas si terrible. Le film a permis d'estomper la cicatrice de mon enfance."

S'il parle de grâce et de pureté retrouvées, Daniel Duval ne peut masquer dans son regard un brin de lassitude. "J'ai baigné dans toutes les folies, confie-t-il, et j'aspire maintenant à être plus paisible. Je ne peux pas être satisfait totalement, car j'ai eu dans ma vie des moments de relâchement qui m'ont fait perdre un temps précieux. Il fallait sûrement que je vive ces quelques années de négation ... "

Dans son dernier film, Daniel Duval dit encore qu'il se déroule " au rythme des horloges bourbonnaises, en mimant le mouvement du balancier. Comme si cette douceur enfin exprimée dévoilait la face cachée d'un personnage attachant.

1 Paray-le-Frésil est dépeint sous le nom fictif de " Saint-Fiacre " dans un des romans les plus célèbres de Georges Simenon, l'Affaire Saint-Fiacre.

Archives G.et C. Tain - Reflets de l'Allier 03/2006

Ce texte " Daniel Duval de la fêlure à la grâce " a été publié initialement dans le magazine du Conseil Départemental de l'Allier, Reflets de l'Allier de mars 2006. L'autorisation de publier ce texte m'a été donnée par Madame Sophie Polvorinos.

Synopsis

Pippo vit dans une famille composée de parents à la dérive, le père est alcoolique et n'arrive pas à subvenir au besoin de sa famille. La mère, elle, est affligée par le comportement de son homme affalé sur la table de la cuisine, qui roupille entre les assiettes, le cendrier, et les bouteilles de pinard. Il dort, il dort toujours en transpirant son mauvais vin. 

Le jeune Pippo (Raphaël Katz) du haut de ses neuf ans est abandonné à lui-même, il ne parle pas, d'ailleurs, personne ne parle dans cette famille, il passe ses journées à ramasser sur les voies de chemin  de fer du charbon de coke tombé des locomotives à vapeur pour nourrir le poêle de leur logis. 

L'hiver 1954 est rude, qui n'a pas entendu l'appel de l'abbé Pierre du 1er février 1954 ? Mais Pippo traîne dans les rues, il vole des bananes, un produit de luxe et surtout il est déscolarisé, car ses parents ne peuvent pas payer la cantine.

Pendant ce temps, la mère de Pippo entretient une relation extra-conjugale, mais l'histoire tourne mal : le mari jaloux en vient aux mains, la mère est en sang, l'ambulance arrive. Si on ne voit pas cette scène, elle est narrée par voix hors champ de Daniel Duval qui joue le rôle d'un psychologue s'entretenant avec Pippo. 

Après ce drame, le jeune garçon est accueilli dans une institution de l' État - il est bon de rappeler que la France, par les décrets du 11 mai et du 29 novembre 1953 avait remanié en profondeur le service des enfants assisté qui deviendra l'Aide sociale à l'enfance, les orphelins, les enfants comme Pippo se feront moins nombreux dans les rues, car ils sont placés en institution, puis pour les plus chanceux dans des familles d’accueil vivant le plus souvent à la campagne - Pippo est donc placé dans une institution où il sera bien traité, et il sera finalement accueilli par Cécile (Anne Bochet) et Gustave (Jean-Paul Rouve), des agriculteurs bourbonnais... 

Le Temps des Porte-plumes
Avec de gauche à droite : Raphaël Katz - Jean-Paul Rouve - Anne Brochet
 

Le couple habite une ferme avec un intérieur sobrement décoré et bien rangé, où le bruit du balancier de l'horloge bourbonnaise, sorte de Morbier, couvre le son du poste de radio. C'est dans cette ambiance que Cécile et Gustave parle de Pippo, mais aussi de Pierrot ( Lorànt Deutsch ) un beau jeune homme revenu de la guerre d'Indochine.

Pippo était un enfant de la ville, elle lui manque parfois, et il en a gardé le goût de la liberté et de l'aventure... Alors qu'il est recherché par Cécile et Gustave, surtout par Gustave, Pippo marchant dans un ruisseau, contemplant un insecte sur une fleur est surpris par un orage... apeuré il courre à travers champs et se réfugie dans une dépendance, la grange du pendu, où il rencontre Alphonsine surnommée par les gens d'ici, la sorcière. Alphonsine (Annie Girardot) et la dépendance deviendront, au fil du temps, un lieu de confidence, de création et de liberté.

Le soir même, Cécile chuchote des mots à l'oreille de Gustave et lui donne une lettre, assis sur le perron de la ferme, Gustave annonce à Pippo; la mort de sa mère... "Le docteur lui avait dit qu'elle avait  la santé fragile" lui répondra le jeune garçon sans émotion apparente, puis il partit se coucher mais se ravisa, il retourne alors derrière Gustave, elle l'embrasse sur le haut du front... L'oiseau tombé du nid semble vouloir se faire apprivoiser.

Le lendemain pendant la récolte de la paille avec ces machines hippotractées, il parle avec Pierrot et lui pose des questions sur la guerre d'Indochine... Pierrot lui répondra par une belle leçon de savoir-vivre.

Mais l'heure est bientôt au temps des porte-plumes, l'école va recommencer, les ouvriers ont cœur à l'ouvrage pour rentrer la paille, les femmes préparent un banquet... Mais des tensions naissent entre Pierrot et Étienne (Swann Arlaud), car il voit ce dernier tenter d'embrasser sa belle Marie-Jeanne (Mélanie Bernier), et après s'être fait traiter de petit commis, Pierrot lui fiche une avoinée.

Préparation de la protection des mains de Lorànt Deutsch pour la glissade le long de l'échelle 

Alors qu'il se remet des ses émotions près d'un tas de fumier, Pierrot est pris en traître par son concurrent, l'Étienne roué de coups aura du mal en se remettre.

Madame  Christiane Baraillon - Le banquet

 
Daniel Duval et Christiane Baraillon

Après cette bagarre, le curé de la paroisse reçoit la belle Marie-Jeanne, cause involontaire de la bagarre, et lui propose d'oublier Pierrot et de penser à son avenir et de prendre le parti d' Étienne. Mariage d'amour, mariage d'argent, j'ai vu se marier toutes sortes de gens, chantait Georges Brassens.

L'heure de commencer l'école est arrivée, enfin...  Cécile prend bien soin de l'apparence de Pippo, elle constate que la frange de ses cheveux lui tombe sur les yeux, elle a la "bonne-mauvaise" idée de lui mettre une barrette dans les cheveux... Ce qui lui vaudra bien des soucis en classe. 

Après cette journée difficile, il s'en va à la grange du pendu, puis il s'en va visiter Pierrot qui épinglait des photos de la guerre d'Indochine, Pippo lui demande alors de lui donner son parachute. 

- Il est beau ton parachute, tu me le donne ? 

- Que ferais-tu d'un parachute ? 

- Je sais pas...

La fin du film nous donnera la solution et selon la psychologie jungienne, la création de Pippo symbolise l'évasion, et la liberté, cette liberté si chère à Daniel Duval.

Pour Pierrot les travaux des champs continuent, et pour Pippo les ennuis scolaires s'accumulent.

L'équipe de tournage à l'école 

Décors de l'école

 
Lors du bal à la fête au village, Pierrot et Étienne se retrouvent, Marie-Jeanne crie son désarroi, elle ne comprend rien, Pierrot tente de lui parler, mais Étienne s'interpose, finalement le curé prend les choses en main et l'entraîne dans son  presbytère. L'homme d'église trahissant le secret de la confession lui rapporte l'entretien qu'il a eu avec son père Résistant, avant qu'il soit fusillé. Ses révélations mettront fin aux espoir du jeune homme. 
 
Quant à Pippo ses affaires ne s'arrangent pas, l'instituteur rend visite à Cécile et Gustave, il leur révèle ses tricheries et son comportement violent. Ils sont désemparés d'autant plus que Pippo s'est enfermé dans le grenier, passant sa rage à gros coups d'objets et criant des paroles blessantes.

Le lendemain au petit jour, le jeune garçon fugue en s'en allant chez Alphonsine. Très malade, il s'occupe d'elle, commettant un dernier outrage : il scie un poteau télégraphique pour son invention.

La gendarmerie l'interpelle et Pippo se retrouve au poste, Gustave arrive, en parlant à demi-mot, il lui dit que le mal est fait...

Cécile l’emmènera seule, en prétextant une visite médicale, à l'internat d’où il est venu. Elle explique à la directrice qu'elle ne veut plus de lui. Alors Pippo crie et supplie ! À la ferme Gustave  retourne à ses travaux, la copine de  Pippo se désespère. Gustave tente de la calmer en lui donnant des explications qu'il ne croit pas vraiment.

Puis arrive la fin heureuse, Cécile a cédé, elle si droite presque austère, n'a pas pu laisser le petit à l'administration, de retour avec Pippo dans sa voiture, elle craque, fond en larmes, et ouvre son cœur, enfin  ...  
 

Distribution
 
Raphaël Katz : Pippo. Jean-Paul Rouve : Gustave. Anne Brochet : Cécile. Denis Podalydès : Falmin, l'instituteur. Annie Girardot : Alphonsine. Lorànt Deutsch : Pierre Dubrac, l'employé de ferme, ancien d'Indochine. Mélanie Bernier : Marie-Jeanne. Emylou Brunet : Bernadette, la copine de Pippo. Philippe Khorsand : le curé. Swann Arlaud : Étienne.  Martine Ferrière : la directrice du dépôt.


Des figurants bourbonnais 

L'image ci-dessus a été prise lors d'une pause. Il y a tout à gauche : Baptiste Charpin . L'homme avec son portable, si, si, les téléphones portables existaient déjà en 1954, c'est  Jacky Drure, au milieu avec la moustache : Gilbert Tain, et l'homme avec le chapeau : René Musier. 

François Fosse, Jacky Drure, Lorant Deutsch, et René Musier

René Musier et Sylvain Favier et leur attelage



Liste des acteurs qui ont participé au film - Bulletin Municipal de la commune de Vaumas

 

Tout ces acteurs ont labouré, fauché et battu sur les terres de Philippe et Didier Beauchamp à Vaumas et aux Grodots à Mercy.

Remerciements

C'est avec une infinie reconnaissance que je remercie  Madame Sophie Polvorinos, rédactrice en cheffe du magazine Reflets de l'Allier, pour m'avoir donné l'autorisation de publier l'article "Daniel Duval de la fêlure à la grâce" et prêté sa confiance. Madame Polvorinos était déjà la rédactrice aux Reflets de l'Allier, en 2006.


Je n'oublie pas, évidemment la famille Gilbert Tain à Trézelles, qui m' a permis de reproduire les photos des coulisses du tournage du film. Monsieur Gilbert Tain m'a confié son classeur avec tous les documents relatifs au Temps des Porte-plumes.  Je tiens à préciser que les photographies originales sont d'excellentes qualités, par contre les photos publiées dans ce message ne sont que des copies scannées et donc, les images ont perdu en qualité.

Pour conclure je citerai Monsieur Jean de Charon qui écrivait dans la Semaine de l'Allier: "Quelle plus belle reconnaissance que de voir, notre histoire, notre littérature, nos paysages, notre architecture, mais aussi les hommes et les femmes de ce pays de se hisser peu à peu au sommet du septième art. 

[...] Le Bourbonnais et la Bourbonnaise peuvent être fiers de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font. Il ne s'agit pas seulement du passé dans tout cela, il s'agit bien de l'avenir qui n'est rien sans la préservation de notre histoire commune et de notre culture...

Si vous avez aimé cet hommage, ou le ce film, n'hésitez pas à le partager.

Commentaires

  1. à voir absolument... Je ne savais pas que Saint-Fiacre était Paray-le -Frésil ( je le situais vers Moulins, Souvigny... ).

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